"Daniel, en tant que spécialiste, que penses-tu du débat d'hier soir ?" Dès mon arrivée au bureau ce matin, la question n'a cessé de m'être posée. A chaque
fois c'est le citoyen plus que le media traineur qui a répondu. En terme de niveau, j’ai trouvé la prestation des deux compétiteurs sans grande hauteur de vue. Aucun ne m’a vraiment fait
vibrer. Pour parodier Laurent Joffrin à propos du discours de politique générale de dominique de Villeppin , je m'attendais à un certain souffle et j'ai trouvé deux brasseurs de vent. Tous
les deux ont surtout joué des vieilles ficelles enseignées en média training : défocalisation (passer du critère technique au critère affectif avec, pour elle, l'exemple du
papa chômeur qui part le matin en laissant croire à ses enfants qu’il travaille toujours. Pour lui, celui de l'homme de 63 ans atteint de la maladie d’Alzheimer et dont la vie bascule), argument d'autorité (notation du projet économique du PS par
l'institut Rexecode pour lui, notation du volet environnemental du programme UMP par le collectif d'associations indépendantes pour elle), effet de liste, etc. Certes, chacun a gagné sur lui-même. Nicolas Sarkozy, parce qu’il a réussit à conserver son ton calme et rassurant d’arracheur
de dent tout au long du débat. De plus, il a réussit à se maîtriser corporellement et verbalement, ce qui lui donne un net avantage dans ce duel télévisé. Pondéré tout de
même par les piques, aux limites parfois du coup bas, dont il ponctua ses réponses. Ségolène Royal, quand à elle, s’est montrée pugnace même dans des moments où elle était
approximative dans ses explications. Son démarrage fut néanmoins laborieux. Le nez dans ses notes pour citer les statistiques d’Emmaüs, elle me faisait penser à ces élèves appliqués que j'ai
pu observer lorsqu'ils passent leur grand oral. Et sa posture agressive de mauvais alois. Car en télévision, celle-ci se retourne toujours contre celui (ou celle) qui en
use. En somme, un grand numéro de communic’acteurs de la part des deux candidats où certains auto contacts sur le visage et
sorties de langue donnaient, pour qui sait les décrypter, de précieux renseignements sur la sincérité de leurs propos. Malgré tout, le débat relevait plus de l'accession à la tête d’une
principauté qu’à la présidence d’une grande puissance mondiale. Il faut dire qu’en France, le Président de la République est aussi co-prince d'Andorre...